Terminer le Vendée Globe 2020-21 – la course à la voile en solitaire, en solitaire et sans escale – est un accomplissement majeur, mais Clarisse Crémer (FRA), l’une des six femmes du peloton 2021 de 33 partants, a brisé le record féminin dans les catégories solo et open établi en 2001 par Ellen MacArthur (GBR) dans la même course.
Cet exploit lui a valu d’être considérée pour le Rolex World Sailor of the Year Award, la carrière offshore de Crémer étant désormais pleinement lancée. Sauf apparemment pour une chose… c’est toujours une femme.
Dans une publication sur Facebook, elle raconte comment elle a été abandonnée par son sponsor, une histoire dans laquelle la double médaillée olympique Shirley Robertson a fait remarquer : “Je n’arrive pas vraiment à croire que je lis ceci en 2023.”
La traduction de Cremer est un peu grossière mais les faits sont clairs :
J’ai accouché d’une petite fille en novembre 2022 Alors que rien ne m’y obligeait, j’avais informé ma marraine Banque Populaire dès février 2021 du projet de mon enfant. Ils m’ont tout de même choisi pour ce nouveau Vendée Globe et ont communiqué notre engagement mutuel à l’automne 2021.

Clarisse Cremer
J’ai appris vendredi dernier (27 janvier 2023) que la Banque Populaire avait finalement décidé de me remplacer. Par leur décision, et malgré ma volonté constante, je ne participerai pas au Vendée Globe 2024-25.
Les règles du Vendée Globe pour l’édition 2024 exigent que tous les skippers concourent en fonction des miles de course. Sur ce point, j’ai bien sûr pris du retard sur les autres concurrents au départ, cette maternité m’a écarté des qualifications pendant un an.
Aujourd’hui la Banque Populaire décide qu’elle représente pour eux un « risque » qu’ils ne veulent finalement pas prendre.
Je suis choqué. D’autres projets lancés beaucoup plus récemment se déroulent toujours sans sourciller. Il reste deux saisons complètes et quatre transatlantiques pour revenir au niveau où j’étais sur le point de terminer ma rééducation au plus vite.
Mais pour Banque Populaire, ce serait « laisser le destin choisir à leur place », alors qu’ils « doivent » être au départ du Vendée Globe. Elles sont prêtes à prendre le risque d’un trimaran géant, et tous les aléas naturels, techniques et humains de la course au large, mais évidemment pas la maternité.
Si la course au large existe aujourd’hui, c’est parce que des sponsors la choisissent comme levier de communication et l’utilisent pour raconter de belles histoires sportives et donc, a priori, humaines. Je suis totalement perplexe face à l’histoire que ce sponsor choisit de raconter aujourd’hui : « Le Globe Vendée, coûte que coûte ».
L’organisation Vendée Globe, quant à elle, se contente d’être « désolée pour moi » mais « n’y peut rien ». Elle écrit les règles cependant. Rappelons qu’il y a quatre ans j’aurais été sélectionné d’office comme finisher de l’édition précédente. Rappelons que 13 bateaux neufs (1/3 de la flotte) bénéficient d’une remise pour être officiellement sélectionnés lors du prochain Vendée Globe pour soutenir l’innovation.
Les règles d’une compétition sont censées garantir l’équité et l’esprit sportif. Aujourd’hui, les règles choisies par le Vendée Globe interdisent à une femme d’avoir un enfant, alors même qu’elle serait une athlète reconnue, ayant déjà terminé l’édition précédente. Au 21ème siècle, qui voulons-nous croire que de telles règles seraient justes ? On a un beau match à déplorer, ensuite, le petit nombre de femmes sur les lignes de départ.
Je tiens à remercier les personnes qui m’ont soutenu et se reconnaîtront. Je suis déterminé à naviguer à nouveau, sous les couleurs d’un partenaire de confiance avec qui je partagerai des convictions humaines. Ma passion pour la voile reste intacte, et je vais vite surmonter la déception que je vis aujourd’hui.
Pensons particulièrement à toutes les femmes, athlètes et autres, qui traversent des combats similaires sans avoir cette opportunité de s’exprimer. Que signifie l’égalité pour les femmes ?
Se comporter comme des hommes et donc surtout ne pas être enceinte ? Si je prends la parole aujourd’hui, ce n’est pas par vengeance, pour attirer l’attention ou pour me plaindre, mais pour faire réfléchir, et dans l’espoir de faire avancer notre société.